Tabagisme : s'arrêter en toute confiance

Quel fumeur ne s’est pas dit à un moment ou à un autre : « Demain, j’arrête de fumer » ? Pourtant, les tentatives durent en moyenne un mois et dans près de 50 % des cas, le « demain » correspond à un avenir indéterminé. Et plus on est un gros fumeur, plus cet avenir est lointain. Pourtant, aujourd’hui, de nombreux traitements validés par des scientifiques existent.

De nombreux traitements validés par les scientifiques existent mais
ils sont parfois mal connus ou associés à des a priori :
Les substituts nicotiniques, en vente libre : les timbres (voie transdermique), les gommes à mâcher, les comprimés sublinguaux (à placer sous la langue), les pastilles, et dernièrement, les inhaleurs ;
Le bupropion (Zyban), traitement oral non nicotinique, sous prescription médicale ;
Les thérapies cognitives ou comportementales (TCC).

Quelques affirmations ont la vie dure : vrai ou faux ?
La nicotine contenue dans les patchs et les gommes est dangereuse
Prendre du bupropion (Zyban) fait courir un risque mortel
Inhaleurs : le nouveau traitement miracle
Homéopathie, acupuncture, … : des remèdes de grand-mère
Ca fait 25 ans que je fume, alors continuer ou arrêter, c'est trop tard : le mal est fait
Réduire pour éviter le pire
Si j'arrête, je risque de grossir
Arrêter de fumer, ça regarde le fumeur et personne d'autre

jeus
La nicotine contenue dans les patchs et les gommes est dangereuse
Faux
. Les substituts nicotiniques ne sont pas dangereux. Au contraire ! Ils favorisent l'arrêt du tabac et diminuent ainsi tous les risques associés, de l'infarctus du myocarde au cancer du poumon. Alors, attention aux amalgames ! C'est fumer qui est dangereux et non arrêter de fumer.
Contrairement aux rumeurs qui ont couru en 1986, les gommes à la nicotine ne sont pas responsables d'accidents cardiaques mais d'une réduction de la mortalité chez les fumeurs cardiaques. Seules les premières bouffées de cigarettes accélèrent le rythme cardiaque. La nicotine est en revanche responsable de la dépendance et sa prise par la fumée de cigarette s'accompagne de prises de goudrons et du monoxyde de carbone qui eux sont toxiques.
Une seule précaution concernant la nicotine : ne pas laisser les gommes, les patchs et les mégots, à la portée des enfants. Si l'enfant les " mâchonne ", la nicotine peut être gravement toxique, du fait de l'apport brutal de fortes doses chez un enfant non accoutumé à la nicotine.

Prendre du bupropion (Zyban) fait courir un risque mortel
Faux
. C'est la cigarette qui tue un de ses consommateurs réguliers sur deux. Malgré tout le " battage médiatique " rapportant des décès sous Zyban, aucun lien de cause à effet, entre la prise de Zyban et les cas de décès recensés par la pharmacovigilance, n'a été prouvé. Le médicament ne peut être rendu responsable de ces décès (alors que le tabac tue 60 000 fumeurs en France chaque année). Cependant, comme tout nouveau médicament, il est indispensable de surveiller sa tolérance. C'est pourquoi, dès sa commercialisation en septembre 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a engagé un suivi de pharmacovigilance.
Si aucun décès n'est imputable à la prise de bupropion, il existe des effets secondaires constatés à la fréquence attendue sur les données obtenues à l'étranger avant la commercialisation en France : insomnies très fréquentes, réactions allergiques moins fréquentes, crises d'épilepsie exceptionnelles. Au médecin d'en informer ses patients, de respecter les contre indications du bupropion aux femmes enceintes et aux patients à risque d'épilepsie, ainsi qu'à veiller au respect des doses.
Globalement, peu de maladies aussi graves que celles induites par la " cigarette " disposent de médicaments aussi bien tolérés que les substituts nicotiniques et le bupropion, même si dans ce dernier cas la vigilance doit rester celle de tout médicament de prescription.

Inhaleurs : le nouveau traitement miracle
Vrai et Faux
. Un inhaleur, cela ressemble à une cigarette, cela apporte des bouffées de nicotine et en plus, ce n'est pas dangereux. Que demander de plus ? En vente en France depuis avril 2002, c'est le dernier né des substituts nicotiniques, à l'image des patchs et des gommes. Grâce à cet inhaleur chargé en nicotine, il est possible d'arrêter de fumer, tout en conservant la gestuelle. Au choix : vous pouvez " mâchouiller " le plastique ou prendre quelques bouffées. Cependant, comme les autres substitutions nicotiniques orales, ce traitement n'est pas efficace pour l'arrêt si ne s'y associe pas la volonté d'arrêter. Chez les fumeurs très dépendants, il peut être pris en complément de patch nicotinique ou d'un traitement au bupropion.

Homéopathie, acupuncture, … : des remèdes de grand-mère
Vrai
. Aucune étude scientifique n'a démontré les effets de ces techniques, sur l'arrêt du tabac. Utilisées largement avant l'arrivée des substituts nicotiniques, ces techniques ne sont aujourd'hui guère utilisées par les médecins tabacologues. Et pour cause : le panel thérapeutique s'étant élargi, les médecins disposent de méthodes de sevrage tabagique validées et efficaces. C'est un peu comme si l'on conseillait à un tuberculeux une cure de soleil comme on le faisait il y a 50 ans, ou à un malade du sida des herbes chinoises comme on le faisait il y a 20 ans. Il faut savoir utiliser les nouveaux traitements. Cependant, si le fumeur est profondément convaincu de leur efficacité, pourquoi lui interdire ? L'effet placebo peut agir. Pour preuve, beaucoup de fumeurs arrêtent sans aucune aide médicale.

Ca fait 25 ans que je fume, alors continuer ou arrêter, c'est trop tard : le mal est fait
Faux. Petits et gros fumeurs, fumeurs débutants et confirmés, jeunes et vieux : l'arrêt du tabac est toujours bénéfique. Selon une étude menée auprès de médecins anglais suivis pendant 40 ans (R. Doll et R. Petto) (1), les fumeurs qui arrêtent avant l'âge de 35 ans retrouvent les mêmes chances de survie qu'un non-fumeur. Après 35 ans, et même après 65 ans, ceux qui s'arrêtent ont une survie intermédiaire entre celle des fumeurs et des non-fumeurs. Que l'on fume une, dix, ou cinquante cigarettes par jour, et même après un cancer du poumon, les bénéfices de l'arrêt du tabac sont multiples. Par exemple, le risque d'infarctus du myocarde baisse de 50 % à un an de l'arrêt et il est équivalent à celui d'un non-fumeur après 5 à 20 ans d'arrêt. Et même après l'ablation d'un poumon pour cancer, arrêter de fumer multiplie par deux les chances de survie. C'est dire qu'il y a toujours bénéfice à s'arrêter de fumer, quelle que soit l'ancienneté du tabagisme.

Réduire pour éviter le pire
Vrai et Faux. Tout dépend du degré de dépendance à la nicotine.
Si vous n'êtes pas dépendant au tabac, que vous fumez une fois de temps en temps, et surtout, pas dès le matin, alors effectivement, réduire la consommation de cigarette s'accompagne d'une réduction de la toxicité car vous faites partie du petit nombre des fumeurs non dépendants.
Si vous fumez dès le matin par besoin et non par plaisir, le tabac est votre drogue ! Alors dans ce cas, une solution : l'arrêt complet du tabac. Car si l'arrêt du tabac peut se faire progressivement, il ne faut pas pour autant se contenter d'une réduction de cigarettes fumées. Seul l'arrêt complet permet d'observer les bénéfices. En fait, quand un fumeur dépendant réduit son nombre quotidien de cigarettes, ou qu'il passe des cigarettes fortes aux cigarettes légères, il compense la diminution du nombre de cigarette par une inhalation plus forte. En conséquence, son taux de nicotine dans le sang n'a pas changé .
Le seul moyen de vraiment réduire la consommation, dans ce dernier cas, serait d'alterner dans la journée la cigarette et les substituts nicotiniques comme peut vous le conseiller pour un temps votre médecin en attendant le jour de l'arrêt définitif.

Si j'arrête, je risque de grossir
Vrai. Les effets de la nicotine sur le poids sont indiscutables. A l'arrêt du tabac, la prise de poids moyenne est de 1,8 à 2 kg. Mais, il existe des variations individuelles, certains ne prennent par un gramme, d'autres ont une prise de poids plus importante, jusqu'à 10 kg. De fait, la nicotine entraîne une baisse des dépenses énergétiques et une augmentation de l'appétit corrélée à une modification de la sécrétion d'insuline. En fait, la prise de poids, tout comme les autres symptômes liés au sevrage tabagique (anxiété, agitation, irritabilité, insomnie…) résultent principalement du syndrome de manque de nicotine. Ces symptômes désagréables peuvent être atténués, voire supprimés grâce aux traitements de substitution nicotiniques ou de bupropion. Par ailleurs, si la prise de poids est un problème, il faut en discuter avec votre médecin ou dans une consultation de sevrage tabagique. Une prise en charge adaptée à chaque cas permet de trouver d'autres substitutions, tels que l'exercice physique, ou une surveillance diététique afin de minimiser, voire d'exclure la prise de poids.

Arrêter de fumer, ça regarde le fumeur et personne d'autre
Faux. On a beau leur répéter que fumer est mauvais pour leur santé, ils ont beau lire sur leurs paquets que fumer nuit, rien à faire : ils continuent. Il faut que le fumeur fasse le chemin qui le conduit de l'état de fumeur qui ne se pose pas de questions à celui qui se dit qu'un jour il arrêtera, puis qu'il décide d'une date d'arrêt. Ce chemin est un chemin personnel mais l'image du tabac dans la société dans laquelle il vit l'influence grandement. Si le fumeur travaille dans un lieu non-fumeur et que ses collègues ne fument pas, ce chemin est plus rapide.
Le changement d'image social du tabac dans notre société rend aussi l'arrêt plus facile. Le taux de succès des tentatives de sevrage est plus élevé depuis que notre société rejette le tabac comme un produit nocif et que des millions d'adultes quittent la cigarette chaque année.
Mais attention tout de même aux idées reçues : la volonté seule ne suffit pas, la plupart du temps. Sans être donneurs de leçons, le médecin et les soignants ont la responsabilité de suivre et de conseiller leurs patients qui décident d'arrêter de fumer. Or seulement 28,8 % de fumeurs pensent faire appel à un médecin pour arrêter (2) . Et seulement 1 % des anciens fumeurs ont eu recours aux consultations d'aide au sevrage tabagique. Pourquoi arrêter de fumer dans la douleur lorsque l'on peut être pris en charge médicalement et moralement, afin d'éviter les désagréments du sevrage tabagique et le risque de reprise ?

Avec la collaboration du Pr Bertrand Dautzenberg, professeur de pneumologie à la Pitié-Salpêtrière et Président du
Comité central de prévention du tabagisme de l'AP-HP.

1- BMJ (22/04/2000), étude sur le lien entre tabac et maladie d'Alzheimer
2- Source : Baromètre Santé 2000 / Comité Français d'Education pour la Santé